Le jardin est un récit de l’agriculture traditionnelle en milieu humide à travers le monde. Il est une ode à ces agricultures singulières d’une grande ingéniosité, qui ont appris au fil du temps à composer avec les oscillations de l’eau.
Sculptrice naturelle, l’eau crée un paysage de contours, elle dessine un labyrinthe. Elle permet l’irrigation et le drainage des parcelles cultivées en zone humide. La scénographie imposée par le parcours de l’eau à la terre morcelée devient la structure du jardin. L’eau en abondance offre une biodiversité inouïe qui confère aux marais une beauté rare et une terre particulièrement fertile. Mais « si l’eau est l’outil de travail des hortillons, l’excès d’eau en est la crainte permanente » précisent Éric Mollard et Annie Walter. En prévention d’une crue, dans un élan sculptural, le paysan de l’eau « élève » littéralement la terre pour cultiver sa parcelle.
Élever la terre part donc à la découverte de ces élévations de terre dans le paysage. La déambulation mène à cinq compositions, cinq fragments d’un patrimoine agricole traditionnel. Les camellones d’Amérique du Sud sont façonnés par des planches de culture rappelant une silhouette de « tôle ondulée » maintes fois répétées. On y cultive maïs, haricots et courges dont l’association vertueuse – au jardin et dans l’assiette – leur confère l’appellation des « trois sœurs ».
Au sein des chinampas du Mexique, les pépinières sont aménagées dans des casiers qui contiennent les boues fertiles dans lesquelles sont cultivées une grande variété de plantes dont les tomates.
Les Hortillonnages thaïlandais sont, eux, composés de planches de cultures longues et étroites surélevées. Très productifs, fleurs, plantes potagères, aromatiques et fruitiers s’y côtoient. Quant aux buttes des Dugum Dani en Océanie, elles permettent la culture de tubercules comme les ignames ou les taros.
Quatre jardins ponctuent ainsi le parcours.
Dédié aux Hortillonnages d’Amiens, le cinquième espace est une mise en abîme qui s’ouvre sur le paysage environnant.
À travers le monde, les techniques culturales fabriquent une collection de formes : billon, butte, monticule, planche surélevée, plateforme, longue bande de terre, cavaillon, fossé, sillon… Traditionnellement, elles répondent aux besoins des végétaux. Avec ce jardin, le végétal sublime les courbes de la terre qui est ici magnifiée.
Élever la terre est une invitation à la réflexion autour de la terre comme patrimoine à chérir et substrat nourricier.
L'artiste
Livia Kolb & Virginie Alexe