
©Mirte van Laarhoven
Nichée sur l’une des îles des Hortillonnages, une petite oasis a été créée. Ici, le visiteur est immergé dans une mosaïque d’eau et de verdure. Cette installation de Mirte van Laarhoven rend hommage à la naissance d’une nouvelle vie. En son centre se trouve un bassin en céramique, d’où émergent du sol des formes végétales – acérées, fraîches, pleines de potentiel. Recouverte d’un émail vert vif et lumineux, l’œuvre évoque l’énergie du début du printemps et la joie de la croissance et du renouveau.
Les îles des Hortillonnages émergent à peine au-dessus de l’eau. Elles sont à la fois robustes et immaculées, mais aussi fragiles et nécessitant un entretien constant. La frontière entre terre et eau est mouvante, jamais acquise. En parallèle, les berges, avec leur surface miroitante, offrent un habitat riche pour les arbres, les buissons, les herbes et une multitude d’oiseaux aquatiques, qui viennent nicher dans ce terrain marécageux.
Cette interaction entre les forces naturelles se reflète dans l’installation. L’œuvre célèbre l’émergence de la vie, à la lisière de la terre et de l’eau. Mais sous cette célébration se cache une tension plus profonde : l’installation explore la dualité entre promesse et impermanence, entre vitalité et déclin.
Les fissures visibles à la surface évoquent une tentative de figer un instant fugace – le début fragile d’une nouvelle saison. Si cet instant est retenu trop longtemps, il risque de s’effondrer sur lui-même. L’œuvre saisit cet instant où le printemps, si pressant et nouveau, menace de se figer en pleine floraison. La vie, à son tout premier souffle, oscille toujours entre l’épanouissement… et la disparition.
L’œuvre est entièrement façonnée à la main en céramique, avec un émail vert qui semble accueillant, mais qui porte en lui une certaine complexité. Historiquement, le vert a été une couleur difficile et dangereuse dans l’art et la céramique, souvent obtenue à l’aide de matériaux toxiques comme l’arsenic ou l’oxyde de cuivre. Cette contradiction – entre beauté et risque – traverse toute l’œuvre.
Elle a été réalisée lors d’une résidence à l’EKWC — le Centre européen de la céramique. C’est là qu’un émail aux composants inoffensifs a été mis au point pour obtenir cette teinte verte éclatante. Le grand bassin a été fabriqué d’une seule pièce et cuit dans un four d’une surface de 2,40 m sur 1,20 m. La plaque a ensuite été brisée en éclats. En parallèle, Mirte a créé une série de tubes à l’aide d’une machine d’extrusion, puis les a découpés en pousses. Ce processus de fragmentation et de découpe évoque le conflit entre le contrôle et le lâcher-prise, tout comme notre relation avec la nature.
Fragile Emergence invite à la contemplation silencieuse. C’est un espace de calme et de réflexion – un lieu où l’on peut s’interroger sur ce qui se cache sous la surface, et sur la manière dont la promesse fragile de la vie pourrait prendre forme. Que devient une promesse nouvelle, lorsqu’on lui laisse du temps et de l’espace pour croître ? Sur cette île, les visiteurs sont invités à faire une pause, à observer, et à se perdre dans un paysage vert aux multiples strates.
Avec cette installation, Mirte van Laarhoven sculpte une fois encore un paysage vivant – un seuil éphémère où nature et art s’entrelacent dans une tension scintillante entre ce qui est, et ce qui pourrait être.
L'artiste
Mirte van Laarhoven