Sur l’Île aux Fagots, on aperçoit flottant sur l’eau un petit bateau doré prénommé Navette…Dans cette région intimement liée au textile depuis le Moyen Âge, le bateau symbolise pour l’artiste la navette utilisée sur les métiers à tisser, un hommage au passé florissant de l’industrie textile amiénoise. L’artiste essaie ici de favoriser l’interaction entre sa pratique du « dessin » en la matérialisant, et la perception que peut en avoir le visiteur en la découvrant dans l’espace public, celui des Hortillonnages.
Depuis 2011, Keita Mori développe une technique propre dans ses dessins : avec un pistolet à colle, il applique des fils sur un papier ou sur un mur. Les lignes uniformes, obtenues grâce aux fils, symbolisent les éléments composants d’un « système » ou d’une « société » ; elles témoignent d’une réalité temporaire et ambiguë, d’une recherche plastique sur les « fragments du monde » tels que le mouvement, le temps et l’espace.
En participant au Festival international de jardins | Hortillonnages Amiens, l’artiste explique qu’il souhaite marquer un tournant décisif dans ses activités artistiques. Si ces dernières années, il s’est concentré sur l’art du dessin, avec l’acte de « tracer des lignes» (dessins en fil), il explore depuis 2021, avec la 10e année de la série Bug Report, de nouvelles possibilités pour créer des œuvres tridimensionnelles, et en produire certaines avec des objets liés au textile.
Avec la navette qui traverse de droit à gauche le tissu, l’artiste fait apparaître une nouvelle ligne. La chaîne de mouvements qui transperce les deux côtés de la matière est aussi une allégorie de la « naissance » qui se répète sans cesse dans le monde dans lequel nous vivons.
Avec Navette, c’est une « texture » inédite de la ville qui révèle les échanges invisibles entre un large public et une œuvre d’art, entre monde stable et monde mouvant ; comme si l’histoire d’Amiens était à nouveau tissée.
L'artiste
Keita Mori